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La Baie de Tadjourah : Une aire marine isolée et méconnue

Une équipe de recherche sur l’environnement marin, composée des chercheurs du CERD et de l’Université de Djibouti, lève le voile sur le fonctionnement de cet écosystème particulier qu’est la baie de Tadjourah.

Une équipe de recherche sur l’environnement marin, composée des chercheurs du CERD et de l’Université de Djibouti, lève le voile sur le fonctionnement de cet écosystème particulier qu’est la baie de Tadjourah.

Située à l’extrême-ouest du golfe d’Aden, la baie de Tadjourah est une aire marine assez particulière. Elle est limitée à l’ouest par la dépression Afar, l’une des zones les plus chaudes au monde où les températures peuvent atteindre jusqu’à 50°C en été.

A l’est, elle communique à la fois avec le nord de l’Océan Indien via le golfe d’Aden et avec la mer Rouge par le détroit de Bab El-Mandeb. Cette position biogéographique particulière lui confère des caractéristiques écologiques originales et intéressantes au regard de grands sujets d’actualité comme les changements climatiques et l’impact sur l’écosystème marin et les ressources.

Cependant, isolée et très peu étudiée, cette aire marine demeure encore très mal connue, notamment en ce qui concerne la variabilité de son environnement physique et la production primaire qui est à la base de la chaine alimentaire.

Comment varient les principaux paramètres physico-chimiques (température, salinité, oxygène dissout) et biologiques (chlorophyllea) dans la baie de Tadjourah ? Quel est l’impact de cette variabilité sur la dynamique des stocks de poissons exploités ainsi que sur les rendements de pêche ? A travers une série d’études menée depuis 2010 dans le cadre d’une recherche doctorale supervisée par le Laboratoire des Sciences de l’Environnement marin (LEMAR) de Brest, le laboratoire de biologie marine de l’Institut des Science de la Vie du CERD en collaboration avec l’équipe GREEN du Centre de Recherche Universitaire (CRUD) de l’Université de Djibouti (UD) est aujourd’hui en mesure d’apporter quelques éléments de réponses à ces questions fondamentales.

Les premières analyses des données satellitaires sur la température de la surface de la mer (TSM) et la production primaire (Concentration de la chlorophylle a : CHLa) ont d’abord permis d’isoler des signaux synoptiques indiquant une baisse significative et périodique de la température durant le mois de juillet, suivi d’un enrichissement en matière organique de la baie (pic de CHLa).

La première campagne de mesures in situ organisée en juillet-aout 2013 et dont les résultats ont été publiés dans les colonnes de ce quotidien, a révélé que ces signaux caractéristiques de la saison chaude sont essentiellement liés aux vents d’ouest notamment le Khamsin qui induit la remontée de la thermocline et l’injection des eaux profondes froides et riches en nutriments dans les eaux de surface.

Il a été également mis en évidence l’intrusion des eaux de la mer Rouge par le nord-est, entre les îles Musha et Dalay. Un courant de surface sortant et portant vers l’est, passant entre les îles Musha et la côte sud a également été observé. Cette circulation de masses d’eau semble jouer un rôle prépondérant dans l’établissement de l’hydroclimat d’été.

Afin d’examiner l’évolution dans le temps de ces observations, une deuxième campagne océanographique a été organisée du 17 au 20 février 2014. Celle-ci a consisté aux mesures physiques à l’aide d’une sonde multiparamètre et aux prélèvements des échantillons de la colonne d’eau allant jusqu’à 200 m de profondeur au niveau de huit stations pour les analyses ultérieures au laboratoire de chimie du CERD.

Les résultats montrent que les conditions hydro-climatiques durant la saison fraiche diffèrent de celles observées durant l’été. Les températures à la surface de la mer sont faibles et descendent jusqu’à 26°C.

La colonne d’eau est bien stratifiée avec une couche supérieure homogène en température sur 40 m et une thermocline plus profonde se situant entre 120 et 140 m de profondeur.

Bien que beaucoup de questions demeurent encore en suspense, ces premiers résultats constituent une réelle avancée dans la compréhension du mécanisme de fonctionnement de l’écosystème du golfe de Tadjourah.

Les données collectées lors de deux campagnes et celles obtenues à l’aide des mini-observatoires autonomes et à enregistrements continus (sondes fixes de température et de salinité), révèlent que l’hydroclimat du golfe de Tadjourah est essentiellement gouverné par les moussons de l’océan Indien.

Le vent du Sud-Ouest, chaud et sec (Khamsin) souffle du continent et induit un fort mélange des eaux profondes riches en nutriments et des eaux surfaciques. Il stimule ainsi la production primaire qui attire beaucoup de poissons pélagiques migrateurs. Ce qui expliquerait l’augmentation de rendement des pêches durant la saison chaude.

En revanche, le vent du nord-est, en provenance du nord de l’Océan Indien est frais et humide. Ce vent refroidit les eaux de surface et ne semble pas induire la production primaire.

Les données satellites montrent en effet, des concentrations très faibles de chlorphylle a durant cette période. La raréfaction des poissons durant la saison fraiche semble liée à ces conditions hydro-climatiques peu favorables.

Les données statistiques de la direction de la pêche et les enquêtes sur les efforts de pêche menées par le CERD auprès d’un échantillon de 30 pêcheurs sur deux ans montrent une corrélation synchrone entre la dynamique de l’hydroclimat et la variabilité saisonnière des ressources halieutiques exploitées.

Cette étude de suivi de l’environnement marin s’inscrit dans le cadre du programme de recherche destinée à acquérir une meilleure connaissance biocénotique de base des eaux côtières exploitées par la pêche.

La surveillance des principaux paramètres physico-chimiques et biologiques permettra de suivre de très près les évolutions d’écosystème marin et les ressources du golfe et d’anticiper les effets du changement climatique qui aurait un impact négatif sur la disponibilité des poissons au cours de prochaines décennies. Tel est l’objectif du laboratoire de biologie marine du CERD.

Financé par le fond de recherche du CERD et le projet EMRAUD de l’UD, les campagnes de mesures in situ ont pu se réaliser grâce à la ténacité de la direction de l’ISV (CERD), à l’appui logistique et technique des garde-côtes, du Port de Djibouti (S.A) et à l’expertise en instrumentation du laboratoire partenaire LEMAR – dont il faut saluer l’engagement et la collaboration.

Enfin, il convient de souligner que ces travaux d’étude, premier du genre, répondent pleinement à la volonté et l’engagement du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche àorienter l’effort de recherche vers des enjeux prioritaires d’ordre socio-économique afin de contribuer dans une plus large mesure au renforcement de la sécurité alimentaire et au développement durable du pays.

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